C’ÉTAIT LES JUIFS DE DEMNAT EN 1950. MAROC.
Dans les années 40 du siècle dernier, sur 5 000 habitants de la ville de Demnat le tiers de la population était juive.
Petite
ville du Maroc peuplée de Berbères N’Tifa et de Juifs qui, vers 1950,
constituaient la moitié de la population estimée à 5 000 personnes.
Demnat occupe le flanc d’une colline à 960 m d’altitude dominant les
vallées des oueds Demnat et Tassaout, à 120 km à l’est de Marrakech. Son
enceinte, en partie rainée, en terre banchée dessine un rectangle
bastionné ; elle est contrôlée à l’est par la Kasbah (Tighremt) qui
possède des douves profondes pouvant être mises en eau.
2La
ville vit de son agriculture et du commerce. La vallée de la Tassaout
porte sur ses versants vignes et surtout oliviers dont l’huile est le
principal produit vendu sur le marché. La plaine est occupée par des
cultures vivrières : céréales et fèves. Le marché hebdomadaire est
important. Bétail, huile et quelques produits de l’artisanat local,
surtout les cuirs et les tissages, sont échangés contre les productions
des tribus montagnardes ou sahariennes : peaux fraîches, laine et
dattes.
3Ch.
de Foucauld visita Demnat en février 1883 ; il notait que les Juifs y
étaient traités « avec une exceptionnelle bonté ». Malheureusement cette
bonne entente n’était pas constante et, quelques années plus tard, des
persécutions avec rapt de jeunes femmes vendues comme esclaves furent
suffisamment graves pour émouvoir les puissances européennes et décider
le sultan Moulay Hassan à créer un mellah dans un quartier distinct de
Demnat (mai 1887).
4L’interpénétration
culturelle entre Juifs et Musulmans est, ou plutôt était, telle
qu’étaient honorés simultanément les mêmes saints dont l’appartenance à
l’une ou l’autre confession demeurait douteuse. Cette interférence des
croyances était particulièrement visible à Imi n’Ifri (« l’entrée de la
grotte »), vaste tunnel naturel traversé par un torrent à quatre km au
sud-est de Demnat, où Juifs et Berbères pratiquaient un culte tout
imprégné d’un animisme* préislamique que sanctionnait le sacrifice d’un
taureau noir lors d’un moussent*, deux semaines après l’Aïd el-Khébir.
Mais tout au long de l’année, sur les bords d’une source en aval de la
grotte, les femmes musulmanes aussi bien que les juives venaient
sacrifier des poules dans l’espoir de devenir fécondes et de mettre au
monde un garçon. E. Doutté rapporte une curieuse légende au sujet de
cette grotte, celle de Malek es-Sif (« le Roi du sabre ») qui réussit à
tuer Khettaf el-arais (« le Ravisseur des fiancées »), un génie
malfaisant, doté de sept têtes, qui habitait la grotte et exigeait de la
population d’alentour la livraison de jeunes filles. Malek es-Sif les
délivra et, du corps décapité du monstre, sortirent une multitude de
vers qui se changèrent en corneilles ; elles peuplent encore la grotte
et le voisinage. Ces corneilles d’une espèce particulière sont appelées ghorab en-Nsara (« les corbeaux des chrétiens »), leur nom berbère est amzoui. La
légende de la grotte d’Imi n’Ifri est intéressante par son rattachement
à des thèmes du folklore universel. On y retrouve des éléments de la
légende de Persée et Andromède, d’Hercule et l’hydre de Lerne, de saint
Georges et le dragon et de saint Romain de Rouen.
5Comme
le fait remarquer Ch. Pellat, Demnat se situe, sur le plan
linguistique, à la limite des deux groupes de parlers berbères le tašelγit du Sud et le tamaziγt du Centre, d’où l’intérêt que portèrent à l’étude de sa langue des linguistes tels que S. Boulifa et plus tard E. Laoust.
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